Cet épisode est l’occasion d’une belle rencontre avec deux actrices membres de la commission « Tunnel de la comédienne de 50 ans », commission qui fait partie de l’Association Actrices et Acteurs de France Associés.

Elles nous racontent l’origine de la création il y a 6 ans de cette commission, le moment où une cinquantaine d’actrices quinquagénaires se sont retrouvées et ont compris que leurs difficultés pour travailler ne tenaient pas à elles individuellement mais à un système global qui excluait de fait les femmes qui n’étaient plus jeunes. Elles se sont attachées depuis lors à présenter chaque année des données chiffrées incontestables pour mesurer l’ampleur de la discrimination qui les frappe et qui se traduit à terme par la disparition de leur présence.

Je rappelle ici quelques chiffres pour des films 2019 ou 2020 (voir les sources dans les références)

  • Rôles tous âges confondus : Hommes 58% Femmes 42 %

  • Rôles après 50 ans Hommes 62 % Femmes 38 %

  • Total des rôles attribués à des femmes âgées de plus de 50 ans rapporté au total des rôles : 9%

  • Rémunérations après 40 ans : les actrices perdent 28 %, les acteurs maintiennent la leur

  • Rémunérations après 50 ans : les actrices perdent à nouveau 7%, les acteurs gagnent 12%  

  • Représentation au travail des rôles : sur la tranche 50-64 ans, 71% des hommes sont au travail contre 51% des femmes ; et sur la tranche 65-79 ans, 61% des hommes sont encore au travail contre 21% des femmes.

Dans cette première partie de l’interview, Catherine et Anne ont dressé l’état des lieux, réservant pour le prochain épisode les explications possibles de telles discriminations et leurs espoirs d’évolution possibles.

Leur analyse est tout à fait passionnante car elle va bien au-delà du simple malaise d’actrices en manque de travail : au travers de l’invisibilité des femmes de plus de 50 ans dans les fictions et des rôles très conventionnels qui leur sont confiés – quand ils leur sont confiés -, c’est toute l’invisibilité des femmes qui ne sont plus jeunes qui est en cause et qu’on retrouve dans les difficultés qu’ont les femmes expérimentées à trouver leur juste place au travail. Elles n’existent pas sur les écrans, elles n’existent pas dans la tête des recruteurs, des manageurs et chefs d’entreprise.
Pour compléter ce constat, il est certain que les images qui nous sont données à voir façonnent ce que Catherine Piffaretti appelle notre inconscient collectif : faute de fictions mettant en scène des femmes de plus de 50 ans actives, responsables, indépendantes, diverses, il est difficile pour les femmes trentenaires d’imaginer un avenir attrayant.

Toutes ces raisons font qu’il est plus qu’urgent de soutenir le travail du Tunnel.

Références

Le Monde – Les décodeurs- 2 articles
L’apogée de la carrière d’une actrice dure en moyenne 8 ans, 28 ans pour un acteur
Au cinéma, les acteurs vieillissent mais pas leurs conquêtes

Geneviève Sellier – Billet de blog sur Médiapart avec Noël Burch
Trois décennies de violence du patriarcat dans le cinéma français